Diana Chao : l’histoire d’une exaltation culinaire

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Diana Chao a toujours été une grande amoureuse de la cuisine. Elle a depuis longtemps eu le souhait de partager la culture derrière ses origines asiatiques qui la rendent si fière. En elle, c’est un bouillonnement d’idées. C’est suite à un événement tragique qui surviendra dans sa vie qu’elle libérera pleinement sa passion, poussée par la force invisible de sa mère.

Fuyant la guerre du Cambodge et le régime de Pol Pot, la famille de Diana Chao arrive en Bretagne avant de s’installer à Paris pour y trouver plus facilement du travail. A la maternelle, Diana ne parle pas français, elle qui est habituée au teochew à la maison. Elle évolue toutefois dans des environnements majoritairement blancs, loin de ses racines, auxquelles elle se raccroche par le biais des cours de mandarin dans le 13ème arrondissement. Sa double culture est une richesse, elle veut la partager. “Sauf que je sentais que ce n’était pas toujours bien accueilli”, avoue-t-elle. Exilée par les uns, reprochée d’être “trop Française” par les autres, la jeune Diana a le sentiment de devoir choisir. S’intégrer ou être pleinement Asiatique, elle vogue entre deux eaux. Une chose est sûre néanmoins : Diana n’a jamais cessé d’être fière de ses racines.

Sa famille ne fait pas exception à la règle : la nourriture y occupe une place importante. Cette cuisine où le dosage “au pif” règne en maître, qui dit l’amour des parents pour leurs enfants et qui symbolise la prospérité… Pour Diana, elle peut se résumer en un plat (vietnamien) : le Bánh hỏi. Abondant, sain, sa mère le préparait à tous ses anniversaires : “Ma mère me faisait des brochettes de bœuf à la citronnelle. C’est un plat qui me rappelle énormément de souvenirs”. En grande gourmande, elle avoue en riant que la première chose qu’elle se demande au réveil est qu’est-ce qu’elle va manger aujourd’hui et qui va la satisfaire pour le reste de la journée. Pour elle, rien de pire que de manger un mauvais plat. Bouche, cœur, esprit : tout doit être aligné ! Fille de restaurateurs, Diana porte en elle et depuis toujours cette passion pour la nourriture. Plus que celle servie au restaurant de ses parents dans le 15ème (et préparée par son père en cuisine), ce sont les plats de sa mère à la maison qui nourrissent cette passion. Des plats qu’elle cuisine avec sa mère depuis petite, et ce même si ce n’était pas toujours agréable ! Elle raconte, affectueusement : “Ce n’était jamais assez bien ! Elle me reprenait tout le temps. Une vraie maman asiatique quoi !” En véritable trésor de ses origines, Diana veut préserver (et transmettre) cet héritage en encourageant sa mère à écrire un livre des recettes de famille, bien consciente que nos parents ne sont pas éternels. Une ébauche voit le jour alors que Diana prépare quelques recettes pour sa sœur qui s’apprête à partir en Chine pour ses études.

L’idée mijote plusieurs années sans se concrétiser… Alors que Diana entame les premières années de sa carrière dans le marketing, sa mère tombe gravement malade. Le cancer finit par l’emporter. Diana, qui s’est occupée d’elle durant ce combat de deux ans, regrette : sa mère est partie avec l’héritage que sa fille aurait voulu qu’elle laisse à ses enfants. Nourrie par cette responsabilité familiale mais aussi par la peur que la mémoire lui fasse défaut avec le temps, elle se charge de la mission d’écrire toutes les recettes. Pendant trois mois, Diana s’adonne seule à ébaucher la structure du livre. Sans en parler dans un premier temps à ses frère et sœur : “C’était ma manière de faire mon deuil. Aujourd’hui, le livre n’est toujours pas prêt. Je pense que c’est encore trop proche du décès de ma mère”, confie-t-elle. Sa mère laisse en revanche autre chose à sa fille : une leçon de vie. La vie est trop courte pour ne pas faire pleinement ce qu’on aime. L’idée de partager et de transmettre sa passion de la nourriture bouillonne en Diana Chao. Alors en 2019, elle décide de sortir de sa zone de confort, de démissionner et de vivre son aventure food à 100 %.

En 2015, en plein dans sa carrière marketing, la vie de Diana est une cocotte minute. Elle ne se retrouve pas dans le secteur des cosmétiques de luxe et subit quelques clichés sur les Asiatiques à son travail. A la recherche d’une activité exutoire et afin de rendre hommage à sa mère, elle décide de lancer sa chaîne YouTube : Chez Mama Ly. A travers cette dernière, Diana Chao montre la cuisine de sa mère, mélange d’influences teochews, cambodgiennes et vietnamiennes, et qu’elle retrouve difficilement dans les blogs de l’époque. Elle souhaite aussi démystifier la cuisine asiatique et montrer ce qu’il y a sur nos tables, à la maison : “J’en ai eu marre des clichés sur notre nourriture. La cuisine asiatique n’est pas seulement celle qu’on trouve dans les restaurants ou les traiteurs. Elle est très diversifiée et facile à faire”, affirme-t-elle. Le succès de Chez Mama Ly grandit en parallèle d’un nouveau job dans la mode dans lequel Diana s’épanouit. Paradoxalement, cette notoriété suscite beaucoup de frustration chez la YouTubeuse, qui ne trouve pas le temps d’aller au bout d’un projet frémissant. Jusqu’au jour où la marketeuse est débauchée pour un autre poste. Diana a toujours suivi la voie que ses parents considéraient la plus sereine pour leurs enfants : faire de bonnes études, décrocher un travail de cadre, avoir un salaire qui tombe tous les mois. Pour elle, c’était facile mais surtout logique car la réussite professionnelle telle que ses parents l’entendaient prouvait sa reconnaissance envers eux et leurs sacrifices. Le projet de cette amoureuse de food demeure tout autant une manière de faire honneur à sa mère.

Aujourd’hui, Diana Chao a trois activités qui gravitent autour de la cuisine : l’influence (par le biais de collaborations avec des marques) et la création de contenus sur ses réseaux sociaux ; les ateliers de cuisine et le consulting. Cette troisième activité continue d’alimenter son amour pour le marketing puisque Diana conseille des marques asiatiques, souvent de la génération de nos parents, qui souhaitent se moderniser. Avec du recul, cette passionnée de la nourriture asiatique estime avoir appris beaucoup plus depuis sa reconversion en 2019 que durant ses huit ans passés en entreprise. “Finalement, c’est au moment où tu ouvres tes chakras que les opportunités défilent”, confirme-t-elle en évoquant sa participation à un atelier de cuisine sur la Foire de Paris.

Sa pédagogie paye aussi, à travers des retours de personnes qui se rendent enfin compte que la sauce soja sucrée n’existe pas en Asie ! La YouTubeuse se sent chanceuse d’avoir une communauté si bienveillante. Sauf depuis le début de la pandémie de Covid-19, où elle est pour la première fois confrontée à des commentaires négatifs du type “A quand une recette avec du pangolin ?” Face à cela, Diana ne se tait jamais. Pour elle, ne pas répondre revient à cautionner. Et c’est la troisième génération qui en pâtira. Répondre lui permet de rompre le silence qui, plus jeune, a résulté de son souhait d’intégration. Ainsi, Diana encourage la communauté asiatique à libérer sa parole : “Plus on se rendra visible, plus on sera reconnu pour notre savoir-faire”. A nous de nous montrer et de prendre notre place face aussi à l’appropriation culturelle. Comme d’autres, elle a ressenti le syndrome de l’imposteur, qu’elle arrive petit à petit à surmonter en travaillant. Aujourd’hui, elle se sent beaucoup plus légitime qu’il y a cinq ans grâce à son expérience et à son apprentissage au quotidien, et considère apporter l’authenticité et l’histoire de nos plats.

Pour autant, Diana ne s’est jamais définie comme cheffe puisqu’elle n’a pas fait les écoles qui vont avec ce titre : “Ce mot est trop fort pour moi. Je suis une blogueuse food”, conclut-elle. Une blogueuse qui s’autorise, sur la base de ce que sa mère lui a transmis, à être plus créative et à imaginer sa propre cuisine. Quand on lui demande si elle envisage d’ouvrir son propre restaurant, sa réponse, négative, est catégorique. Ce qu’elle veut, c’est partager l’histoire d’une transmission d’une mère à sa fille, tout en mettant fin aux clichés autour de cette cuisine et en la rendant plus accessible, avec tous les Français. Diana Chao est une personne résiliente. Elle a trouvé dans sa difficile histoire l’énergie et la volonté de transformer ce qu’elle a vécu en quelque chose de positif. Le bouillonnement d’idées en hommage à sa mère et à ses origines a fini par laisser place à une véritable exaltation culinaire.

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